La page précédente est à dater du 7 août, et non du 7 juillet ...le 7 juillet , j'étais en Pologne, à 3118 km de ce beau fjord ... Je vous présente toutes mes confuses ...

De Kiruna ( Suède) à Narvik (Norvège) il y a environ 180 km . C'est vers ce port de la mer du Nord que se dirigent la majorité des trains pour l'exportation du minerai de fer, en effet, le Gulf Stream vient y réchauffer le fjord qui n'est jamais pris par les glaces. Je n'aurai pas cependant l'occasion de voir bien longtemps ces lourds convois car si la route s'attaque à la montagne, la voie ferrée préfère dès qu'elle le peut passer dessous ...

Patita devra donc affronter de longues côtes (et elle n'aime pas trop ça !) pour atteindre un haut plateau plus confortable parsemé de lacs et surplombé par des montagnes où subsistent des traces de neige. Par endroits, de nombreuses voitures stationnées sur un parking au milieu de nulle-part indiquent le départ d'un sentier de randonnées. C'est très beau.

La température est fraîche (12/13°)avec un petit vent, il y a quelques nuages mais il fait beau : c'est la montagne en été , très agréable.

Après 130 km sans histoire, j'atteins le col où s'est tenu un épisode important de la bataille de Narvik d' Avril à Juin 1940 .

Ici a eu lieu la première défaite des troupes Nazies de la seconde guerre mondiale . Les Allemands, qui avaient envahi la Norvège,  et les alliés se disputaient le contrôle du port de Narvik pour son intérêt stratégique et économique ( La Route du Fer).

La bataille eut lieu sur mer et sur terre avec débarquement  et prise de position sur les hauteurs dominant la ville. C'est là que je me trouve , un monument rappelle  les faits.

Les alliés sortirent vainqueurs des deux batailles navales et de la bataille terrestre malgré la suprématie aérienne des Allemands . Leurs troupes se composaient d'abord d'unités Norvégiennes bien préparées et connaissant le terrain, de bataillons d'infanterie Britanniques et d'un Corps Expéditionnaire Français .

Celui-ci était composé de Chasseurs Alpins, de  troupes d'Artillerie Coloniale, d'une brigade de la Légion Etrangère composée en majorité de Républicains Espagnols, et d'une Brigade de chasseurs Polonais formée en France....  Le transport avait été assuré de France en Norvège par huit paquebots Français sous la protection de croiseurs ...( J'ai puisé ces informations sur internet car le monument, lui , ne mentionne ni les Français, ni les Espagnols, ni les Polonais ...pour une information plus complète, voir Wikipédia)

Aujourd'hui, cet endroit est des plus paisibles, on y trouve des chalets pimpants au bord de petits lacs , et, à part ce petit monument, rien ne rappelle les batailles meurtrières qui y ont eu lieu.

Malgré leur victoire et la prise de Narvik, les alliés considèrent qu'ils sont trop loin de leurs bases pour tenir dans des conditions difficiles, la situation de l'armée en France complique encore les choses ... et l'évacuation a lieu en Juin .

Les allemands peuvent alors se réinstaller à Narvik jusqu'à la fin de la guerre ...

Reprenant ma route, j'entame une longue descente vers Narvik, la pente est très raide et je me réjouis de ne pas avoir à faire le trajet en sens inverse, d'autant plus qu'un des cardans de Patita manifeste sa fatigue par des grincements et des craquements intempestifs.

Je ne m'arrêterai pas à Narvik où je m'étais promené en 2016 car l'heure tourne et il me faut trouver un bivouac . Je prendrai cependant le temps de contempler le port de l'autre côté du fjord au bord duquel je passerai la nuit .

Après mon dîner, je complète la carte du trajet que je tiens à jour sur le coffre de Patita, et voici à quoi ça ressemble, le 7 juilet 2018 :

C'est pratiquement la seule construction de Kongsfjord qui se trouve au bord de la route, à 200 mètres de la première maison habitée, et pourtant, c'est le centre du village !

Vieilles enseignes, vieux objets, drapeaux délavés ornent la façade claire , ça me plaît bien, ce décor !

J'arrête Patita devant la vieille pompe  qui ne distribue plus que du rêve ou de la nostalgie selon qu'on ait vécu ou pas à l'époque où elle remplissait encore vraiment les réservoirs d'essence ...

Aussitôt, le patron des lieux, sa famille, ses clients et son personnel sortent du bâtiment, et se précipitent sur la 2cv, la photographient, la commentent, la touchent et même s'installent au volant pour voir l'effet que ça fait de rouler dans le passé !

On me submerge de questions : je dois expliquer d'où je viens, où je vais, quelle est cette voiture  ( " Ah ! Citroën ! " me dit un vieux en levant le pouce ), donner son âge et l'âge du capitaine,on me fait entrer à l'intérieur pour m'y offrir un café, une dame m'a déjà préparé une gaufre  !

Le rez de chaussée est un commerce, c'est ce qu'on appelle un "Magasin Général" ,comme il en existait au far-west, comme on peut encore en trouver en Afrique .

On y vend de tout ,d'abord de l'alimentation : produits frais, surgelés, conserves,boissons, glaces,  mais aussi du tabac, et des bidons de pétrole pour les poëles, de la vaisselle, de l'outillage , du matériel de pêche, des vis et des clous, du fil et des aiguilles , des nappes et des rideaux, des bottes en caoutchouc, des anoraks,des pulls  et des bonnets, des produits d'entretien, des lampes et leurs ampoules,  un peu d'accastillage pour les bateaux , des journaux ... Une radio joue les airs à la mode, c'est drôle, ça me rappelle  un peu du yéyé des années 60 !

J'ai l'impression que cet endroit est l'arrêt obligé pour quiconque habite le village : je vois entrer et sortir toutes sortes de gens qui viennent faire leurs courses ou bavarder un peu. Des hommes s'attablent pour boire une bière, un enfant pose deux pièces de monnaie sur le comptoir à hauteur de son nez et repart en courant avec quelques oeufs .dans un petit sac en papier..

Le jeune vendeur , qui parle anglais un peu mieux que moi (!),  m'invite à visiter l'étage . en haut de l'escalier de bois se trouve le "musée" ... Au sol et sur les murs, ou pendus au plafonds, toutes sortes d'objets plus ou moins obsolètes décorent les deux pièces : vieux outils, bibelots, publicités anciennes , photos jaunies, pages de magazines découpées ... tout ce qui évoque le passé a sa place ici .

Au bout d'un moment, je dois reprendre la route, c'est que je suis encore bien loin de la maison !  Avant de partir, je demande à mon interlocuteur de me noter l'adresse de l'établissement : il va falloir, à mon retour en France, que je trouve dans mon bric-à-brac personnel quelques vieilles publicités Citroën ou autres à leur envoyer pour coller sur leurs murs !

Au retour de Berlevåg ,la route, très belle, traverse un magnifique tas de cailloux: une montagne aux formes acérées qui se laisse tomber dans les eaux claires du fjord .

Il faudrait s'arrêter à chaque instant pour prendre une photo, mais on n'avancerait plus ! ... Alors on se contente de ne stopper que de temps à autre, un peu au hasard . On n'est pas gêné par la circulation  ... Je coupe le moteur , pas un bruit,même pas un clapotis de l'eau sur les cailloux de la rive,  juste un peu de vent et quelques cris d'oiseaux .

Au bout d'une vingtaine de kilomètres, on atteint le village de Kongsford : à peine quelques maisons colorées à l'écart de la route .

Uu dernier virage à droite, au ras des pierres grises, et apparaît un endroit étonnant ...

Ce n'est pas vraiment une surprise, je l'ai déjà vu à l'aller, et je m'étais dit : " Il faut absolument que je m'arrête là au retour ..."    

Nous y voilà, je m'arrête donc ...et je vous raconterai ça dans une prochaine page ...

A suivre ...

J'avais décidé de ne pas me rendre au Cap Nord, cette année . J'y suis déjà allé en 1966 et 2016 , elle vaste plateau venteux que j'avais connu est devenu un hypermarché du souvenir abrité des intempéries, avec galerie marchande, restaurants , et salle de cinéma ... l'accès y est payant et l'ensemble est desservi par un parking (lui aussi payant) où s'alignent les camping-cars ...

Venant de Russie et de Kirkenes j(attends Tana Rud  où je passe la nuit puis longe l'estuaire de la Tana où les phoques font souvent escale sur les plages (hélas pour moi, pas de phoque aujourd'hui...), direction Batsfjord . Pour atteindre ce petit port de pêche, il faut franchir une route élevée où la circulation est très réglementée en hiver ...mais nous sommes en été  et pas d'autre difficulté que de longues côtes à monter et un vent contrariant ...

Batsford ne m'emballe pas (tout est subjectif), la pluie qui devient intense et les ennuis d'allumage qui font hoqueter Patita ne sont sûrement pas étrangers à mon état d'esprit .

Demi-tour, donc . (Décision facile prendre, je suis dans un cul de sac...)

Pour atteindre  Berlevåg, j'oblique vers le Nord. dans le brouillard, je croise des troupeaux de rennes qui divaguent sur la route ...

Après Kongsford (dont je vous parlerai sur le chemin du retour), j'attends enfin Berlevåg après avoir traversé de beaux paysages de montagnes se jetant dans la mer .

Me dirigeant sous une pluie battante vers le camping, je m'aperçois que celui-ci est associé à une auberge confortable et me laisse séduire par une chambre chauffée (il ne fait que 12°) où je disposerai d'un bon lit, d'une douche chaude, d'un bureau, de la wi-fi , d'une cuisine commune accessible aux résidants. L'établissement est tenu par un couple originaire de Suisse installé ici depuis une vingtaine d'années le bâtiment est moderne, impeccable, parfaitement tenu et bien équipé.

C'est fou comme un hébergement de qualité peut rendre un endroit sympathique ! De plus, je retrouve ici un couple de français résidant en Suède , Adama et Thomas, déjà croisés sur la route près de Kirkenes , ils voyagent un peu comme moi , le nez au vent, et nous avons des choses à nous raconter .

Berlevåg est un port de pêche, c'est, avec l'élevage des rennes, l'activité dominante de ces régions, et la petite ville est resserrée au bord du fjord, autour de deux petites usines où est traité le poisson, sous des nuées de mouettes qui squattent et souillent les toits .

Le lendemain matin , alors que mes amis vont faire une randonnée sur un petit massif dominant l'océan, je prends une petite route en terre  qui mêne à Store Molvik, petit village sur les rives du Tanafjord, à une vingtaine de kilomètres de là. On dit qu'on peut y apercevoir des baleines qui aime y folâtrer devant la plage de galets ...

La route dépasse quelques ruines, maisons qui n'ont pu résister au climat extrême qui règne ici, longe la piste du petit aérodrome , et traverse un paysage valloné où coule un torrent parmi les pâturages rabougris , Patita qui a retrouvé la forme, se régale et ronronne sur les petits cailloux ronds qui tapissent la chaussée ... J'adore ce genre de route, et la pluie a cessé , tout va bien !

Store Molvik se situe sur une longue de plage de galets . Juste quelques maisons  éparpillées dans le paysage dans une tranquillité absolue ... 

Le grand air, ça creuse ... ni une ni deux, j'installe en un clin d'oeil ma cuisine de campagne et me régale de délicieuses croquettes de pomme de terre . Une pomme en dessert puis un café , bien équipée , Patita !

J'en suis au café quand j'ai le plaisir de voir arriver Thomas et Adama qui , après leur randonnée, sont revenus jusqu'ici  (il y étaient déjà hier) pour voir des baleines. Ils en seront, comme moi, pour leurs frais : pas de cétacés . Pas grave, c'est l'occasion de parler et de rire un peu, de se dire que ça doit être vraiment calme, ici, en hiver (déjà en été, c'est tranquille !) et qu'on viendrait bien (eux comme moi) y faire un tour et y passer quelques temps ... Ils sont vraiment sympathiques et j'espère pouvoir les revoir, en France, en suède, ou ailleurs .

Mais il est temps de reprendre la route en sens inverse pour revenir à Berlevåg . Je réalise alors avec un petit pincement au coeur que mon voyage de retour commence ici, je n'irai pas plus loin cette année . Ce n'est pas triste, c'est toujours un grand plaisir de rentrer à la maison, surtout quand on sait qu'on y est attendu par quelqu'un qu'on aime , mais symboliquement, cet instant a quelque-chose d'émouvant ... enfin, pour me consoler, je me dis que je suis allé à Store Molvik, et tout le monde ne peut pas en dire autant, n'est-ce pas , Patita ?